DES PRÉCONISATIONS POUR LES PRAIRIES DE LONGUE DURÉE
Le nouveau guide de l'AFPF (Association française pour la production fourragère) fait la synthèse des connaissances concernant la composition des mélanges prairiaux. Le principe : pas plus de six espèces et de 30 kg/ha de semences.
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QUELLE ESPÈCE CHOISIR, LESQUELLES ASSOCIER DANS LA PRAIRIE, pour quelle utilisation et dans quel type de sol ? Un travail de synthèse coordonné par l'AFPF permet aujourd'hui de répondre plus précisément à ces questions à travers un guide de six pages(1) qui fait le point sur les préconisations agronomiques concernant la composition des mélanges de semences pour prairies.
Ce document a bénéficié de l'expertise d'Arvalis-Institut du végétal, du BTPL (Bureau technique de promotion laitière), des chambres d'agriculture de Bretagne et des Pays de la Loire, du Gnis, de l'Inra, de l'Institut de l'élevage et de l'UFS (Union française des semenciers). Un tableau de synthèse (voir page 43) permet notamment d'orienter les utilisateurs dans leur choix pour constituer un mélange selon deux entrées : d'une part, en fonction des contraintes du milieu (sol, climat) et, d'autre part, selon le mode d'exploitation privilégié des prairies (fauche, pâture, mixte). « Ce travail ne va pas jusqu'aux préconisations de dose par espèce, souligne Pascale Pelletier, ingénieur fourrages d'Arvalis. C'est l'un des points à faire évoluer à l'avenir au sein du groupe mélange de l'AFPF, chargé de mutualiser les connaissances en vue d'éditer un nouveau document en 2015. »
Dans les zones océaniques tempérées, l'association ray-grass anglais-trèfle blanc reste incontournable. On pourra y associer une fétuque des prés ou une fléole, bien adaptées au pâturage des laitières.
Dans certains cas, pour maîtriser le salissement, des espèces de courte durée et d'installation très rapide, tels le trèfle violet, le ray-grass italien ou encore le ray-grass hybride, peuvent être associées pour vite occuper l'espace.
UN MAXIMUM DE SIX ESPÈCES ET DE HUIT VARIÉTÉS
En revanche, dès que l'environnement présente une contrainte pédoclimatique (prairie humide, sécheresse estivale, petites terres...), il faut privilégier la prairie multi-espèce, plus productive et plus robuste, pour sécuriser le système fourrager. Ces mélanges complexes associent des espèces et des variétés fourragères aux fonctions complémentaires : de grandes graminées et légumineuses pour la productivité (dactyle, fléole, fétuque élevée, luzerne, trèfle violet, trèfle hybride), une diversité de légumineuses pour la qualité du couvert (trèfle blanc, trèfle violet, trèfle hybride, lotier, luzerne) et des espèces pour leur aptitude au pâturage et à l'engazonnement (ray-grass anglais, trèfle blanc, pâturin des prés). « D'une manière générale, pour maîtriser les coûts d'implantation (de 170 à 200€/ha pour la prairie de longue durée) et afin que chaque espèce puisse s'exprimer, la dose totale de semences ne devrait pas dépasser 30 kg/ha, précise Pascale Pelletier. Les échecs au semis ne sont pas dus à une dose insuffisante, mais souvent à un lit de semences pas assez fin et pas assez rappuyé. Pour rappel, le principe est de tasser avant et après semis. On doit pouvoir marcher sur le sol sans laisser d'empreintes ! Il est possible de diminuer les doses, mais cela demande de la technicité dans la préparation du sol. »
Le guide recommande également de ne pas associer plus de huit variétés parmi six espèces différentes, chacune devant apporter sa spécificité. Dans un mélange réussi, les espèces se complètent, certaines prenant le relais des plus fragiles en conditions stressantes. Une fois choisi l'espèce, en fonction de son utilisation et de son adaptation au milieu, certains critères physiologiques peuvent guider le choix des variétés. Car dans la pratique, on sème un mélange d'espèces mais aussi de variétés. À ce titre, le guide rappelle une évidence : « Les meilleures variétés donnent les meilleurs mélanges. »
S'APPROPRIER LES BÉNÉFICES DU PROGRÈS GÉNÉTIQUE
Il est donc fortement recommandé d'utiliser des variétés inscrites et récentes pour bénéficier du progrès génétique. Le site www.herbe-book.org permet de comparer en ligne les caractéristiques agronomiques de toutes les variétés inscrites au catalogue français : date d'épiaison, rendements, résistance aux maladies, souplesse des feuilles... « Au même titre qu'une variété de blé ou de maïs, chacun devrait connaître les caractéristiques de la variété qu'il va implanter pour une prairie de longue durée, souligne Bruno Osson, conseiller prairie au Gnis. Cela nécessite d'anticiper et de comparer pour choisir la variété adaptée à ses objectifs et ne pas se contenter au dernier moment de celle qui est disponible à la coopérative. D'ailleurs, le Gnis peut mettre en place des collections fourragères pour que des groupes d'éleveurs ou de techniciens puissent avoir des références locales dans un contexte pédoclimatique particulier. »
Le ray-grass anglais est la graminée la plus appétente et la plus riche. Il est complété par d'autres espèces en conditions séchantes ou froides. Selon leur précocité, les variétés disponibles sont adaptées à différentes situations. D'une manière générale, les plus tardives sont les mieux appropriées au pâturage grâce à une plus grande souplesse d'exploitation, tandis que les variétés précoces, dans la perspective d'un rendement maximal en première coupe, poussent plus vite et donnent plus. « Les variétés précoces sont adaptées aux zones continentales froides ou séchantes, précise Jean Gousseland, chef de produits fourragères chez Limagrain. Leur besoin en somme de températures est moindre pour faire leur cycle et elles expriment leur potentiel avant le coup de chaud de l'été. » En sol froid, les variétés tardives sont en effet pénalisées au démarrage, et donc davantage destinées aux climats frais et tempérés. « En zone froide, on est obligé de miser sur des variétés plus précoces pour sortir tôt en saison (attention aux très précoces, il faut être sûr de pouvoir les exploiter avant la floraison). Sur d'autres parcelles, on choisira des variétés plus tardives pour bénéficier de la souplesse d'exploitation, explique Bruno Osson, conseiller prairie au Gnis. Il y a donc un intérêt à avoir les deux variétés dans son assolement, mais sans les mélanger, car les précoces, plus remontantes, perdent vite leur appétence. » Il existe une différence de précocité entre les variétés de ray-grass anglais, mais aussi deux ploïdies: les tétraploïdes sont plus appétents et d'une meilleure valeur alimentaire, tandis que les diploïdes tallent davantage, résistent mieux au piétinement et sont moins riches en eau, donc plus faciles à sécher.
LE COUPLE RAY-GRASS ANGLAIS ET TRÈFLE BLANC À LA BASE DU MÉLANGE
« Les tétraploïdes pures sont destinées au pâturage exclusif. Mais aujourd'hui, les éleveurs s'orientent davantage vers un mélange pour une utilisation mixte et une meilleure résistance aux aléas climatiques et aux maladies », constate Jean Gousseland.
En conditions pédoclimatiques limitantes, la base de la prairie multi-espèce reste le couple ray-grass anglais-trèfle blanc. « On ne l'évacue jamais du mélange ! », rappelle Patrice Pierre, conseiller prairie à l'Institut de l'élevage. Dès lors, le choix des variétés repose sur le groupage des dates d'épiaison et, à ce titre, c'est au ray-grass anglais de s'adapter aux autres espèces. Le choix se portera sur des variétés intermédiaires à demi-tardives. En association avec une fétuque élevée ou un dactyle, on privilégiera un ray-grass anglais intermédiaire, alors qu'avec une fétuque des près ou une fléole, on pourra associer un ray-grass anglais plus tardif. Moteur azoté de la prairie, le trèfle blanc sera associé au lotier pour le pâturage en conditions séchantes, ou à du trèfle hybride en sol hydromorphe. Pour un programme de fauche en sol frais et/ou humide, on s'orientera vers le trèfle violet et en zone séchante, vers la luzerne. Pour ces mélanges complexes, Jean Gousseland recommande d'associer au moins deux trèfles blancs : « Une variété à grandes feuilles et une moins agressive, pour être sûr qu'une des deux trouve sa place dans la prairie. »
JÉRÔME PEZON
(1) Guide « Préconisations agronomiques pour les mélanges de semences pour prairies en France 2014 », téléchargeable sur www.afpf-asso.org (rubrique outils), ou disponible gratuitement dans sa version papier sur simple demande auprès de l'AFPF.
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